Quelle feuille de route pour décarboner les filières céréalières ?
À l’occasion des Journées techniques des industries céréalières (JTIC), qui se sont déroulées à La Rochelle (Charente-Maritime) début novembre, une table ronde sur la décarbonation des filières a été organisée.
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La troisième version de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), actuellement en concertation publique, prévoit de revoir l’objectif de décarbonation à la hausse, -22 % contre -18 % initialement, ainsi qu’un stockage du carbone souhaité de 34 Mt eq CO2 contre 12 Mt eq CO2 en 2019.
Dans le cadre de la loi Climat et résilience, une feuille de route de décarbonation pour les cultures a été établie par Intercéréales, les instituts techniques (Terres Inovia, Arvalis, ITB), les principales fédérations (AGPB, AGPM, Fop, UNPT, AGPL et CGB) ainsi que le cabinet Agrosolutions.
« Si, techniquement, les objectifs de la SNBC sont atteignables, ils ne sont pas neutres économiquement pour les producteurs, et les difficultés ou opportunités dépendent des contextes de production », soulignait Anthony Uijttewaal, chef du service Agronomie, économie et environnement chez Arvalis, lors d’une conférence dédiée à la décarbonation des filières céréalières, jeudi 7 novembre, aux JTIC, à La Rochelle (Charente-Maritime).
Neuf leviers
Après un bilan des émissions de GES pour l’année de référence 2015, deux scénarios ont été établis à l’horizon 2030. Ils reposent sur neuf leviers existants, dont la mobilisation combinée devrait permettre une réduction de 21 % des émissions directes de GES par rapport à 2015.
Ces neuf leviers comprennent un développement :
- des légumineuses : + 300 000 ha pour atteindre 971 461 ha en 2030 ;
- des cultures à faibles besoins en azote : + 500 000 ha pour atteindre 1,26 Mha ;
- de l’agroforesterie (+ 50 000 ha) et des haies (+ 70 000 km de linéaire) ;
- des couverts végétaux non récoltés : + 2,1 Mha pour atteindre 5 Mha ;
- un maintien des surfaces en agriculture biologique : 7 % (niveau 2022-2023).
650 000 ha de céréales en moins
En parallèle, une réduction de 20 % de la consommation en énergie fossile des engins agricoles, une amélioration de la gestion de la fertilisation organique, une meilleure gestion de la fertilisation minérale et un développement de génétiques plus efficientes en azote seront nécessaires.
Toutes ces modifications engendreront un changement d’affectation de la sole pour 2030, avec une diminution des surfaces de céréales (-650 000 ha), de fourrages annuels (-150 000 ha), de prairies temporaires (-130 000 ha) et des jachères (-120 000 ha), au profit des oléagineux (+ 300 000 ha), des légumineuses (+ 300 000 ha) et des cultures industrielles (+ 190 000 ha).
Au-delà de 2030, des innovations de rupture seraient nécessaires en génétique, agronomie, carburant, etc.
Impulsion de la méthanisation
L’un des scénarios explore le développement important de la méthanisation (48 TWh de biogaz). Le mix intrant serait composé à 42 % de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), 4 % de cultures dédiées et 8 % de résidus de cultures (pailles et cannes de maïs). Il en résulterait une hausse de 1,5 Mha de Cive.
« Cela sera très structurant pour les systèmes de culture, poursuit l’expert. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le suivant cultural de la Cive, avec des pénalités de rendement pouvant atteindre entre -10 % et -25 % selon les secteurs et les cultures, en raison de la diminution de la teneur en eau disponible. »
Quid du stockage de carbone ?
Enfin, au niveau du carbone stocké, la feuille de route établit une hausse de + 0,16 t/ha/an, soit une atténuation d’environ 10,3 Mt eq CO2/an d’ici 2030. « Or l’inventaire du rapport Secten 2023, établi par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, montre que les terres arables ne font que déstocker du carbone, souligne l’expert. Ce paradoxe peut être expliqué par le fait que nous avons exclu de nos scénarios le changement d’affectation des sols. » Seules des mesures in situ, réalisées par le Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) d’ici 2028, permettront d’évaluer le niveau d’artificialisation des terres.
Pour le moment, « aucun scénario ne permet d’avoir à la fois un stockage du carbone et des réductions d’émissions sans changer le coût pour les producteurs », conclut Anthony Uijttewaal.
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